D'où vient la tradition des cadeaux de Noël ?
Il est toujours amusant de constater que ce qui paraît naturel ne l'est en réalité pas du tout et relève à la fois de l'habitude et du rituel. Ainsi comme chaque mois de décembre, on se met en quête de cadeaux à offrir à ses proches, alors que les enfants trépignent d'impatience à l'idée du passage du Père Noël. De même que décorer un sapin, cette pratique ne va pas de soi et se révèle plutôt récente et soutenue par l'activité commerciale. En effet, si des liens avec le fait religieux existent, ils occupent une place de plus en plus ténue dans cette coutume, qui soutient la consommation de la fin d'année. D'où vient la tradition du cadeau de Noël et le cérémonial associé ?
Les origines antiques et chrétiennes de l'échange de cadeaux :
Les célébrations actuelles de la fête de Noël puisent leurs racines dans les coutumes célébrant dans l'Antiquité le solstice d'hiver. C'est une période de grands changements, avec à la fois le basculement de la longueur des jours et le début d'une nouvelle année. Offrir un présent à ce moment-là conjurait le sort et scellait la promesse du retour de la lumière et de la végétation, donc de l'abondance. C'est pourquoi, les Romains échangeaient des cadeaux et des vœux au dernier jour des Saturnales, fête du crépuscule de l'année. De la même manière que pour la Saint-Valentin, la date de la fête de Nativité de l'enfant Jésus a été volontairement positionnée au IVe siècle au moment du solstice d'hiver, pour concurrencer et remplacer ces fêtes païennes, mais aussi pour associer la naissance du Christ à la notion de lumière croissante. C'est d'ailleurs l'origine étymologique du mot "Noël", qui signifie le "jour de la naissance" (Natalis dies, en latin). La mise en place d'un calendrier religieux au Moyen Age, avec une période de privation alimentaire au moment de l'Avent, fait que Noël était marqué par un bon repas dans chaque maison. Une bûche était mise dans la cheminée, devant laquelle les souliers sont progressivement déposés. Bien que l'échange de cadeaux, essentiellement alimentaires (fruits, sucreries), soit toujours lié à des superstitions, l’Église se garde de l’interdire, le rattachant aux offrandes des rois Mages.
De l'offrande alimentaire aux joujous par milliers :
L’usage d’offrir des jouets au moment de Noël et non plus des victuailles ne se développe qu’au XIXe siècle avec l’essor de la bourgeoisie. Alors que les adultes se versent des étrennes pour le Nouvel An, la fête de Noël devient celle des enfants, poussée en cela par les Grands magasins, qui profitent de cette période de festivités pour proposer une grande variété de jouets et de jeux qu'ils présentent dans les premiers catalogues. Les cadeaux sont bien différenciés selon le sexe, les poupées et les cuisinières miniatures préparant les petites filles à leur futur rôle de maîtresse de maison, alors que les garçons se voient offrir des soldats de plomb et des jouets mécaniques. Dans les milieux populaires, les cadeaux des enfants demeurent beaucoup plus modestes : friandises, pains d'épices ou petit jouet de fabrication artisanale. Le fait d'associer ainsi les enfants à Noël est symbolique, car ce sont les dépositaires de l'avenir. Selon l’historienne Nadine Cretin, le cadeau de Noël procède également du "gaspillage cérémoniel" lié à toute fête, où dépenser procure du plaisir, en satisfaisant à la fois les autres et soi-même. De même, les cadeaux de Noël s'inscrivent également dans le cadre du don et du contre-don, ainsi que le rappelle l'anthropologue Gérald Berthoud « (Les cadeaux) créent, maintiennent et consolident des liens ; ils constituent en quelque sorte une matrice du social. »
Qui se cache derrière le Père Noël ?
Pour faire patienter leurs enfants, les parents racontent des histoires au sujet des personnages qui viennent déposer des offrandes, avec des variantes selon les pays. Les cadeaux arrivent dès le 6 décembre, jour de la Saint-Nicolas, au Nord et à l'Est de l'Europe, tandis que c'est le 6 janvier en Espagne et en Italie au moment de l'Epiphanie. La genèse du personnage du Père Noël est le résultat d'un long processus faisant de lui un lointain descendant de saint Nicolas. Celui-ci était un évêque de Myre en Anatolie ayant vécu au IVe siècle et étant censé avoir ramené trois bambins à la vie, ce qui fait de lui le protecteur des enfants. Il distribue des cadeaux à ceux qui sont sages, tandis que les garnements reçoivent la visite du Père Fouettard.
Avec l'arrivée du protestantisme au XVIe siècle, le culte des saints est abandonné en Europe du Nord au profit de l'enfant Jésus, sauf en Hollande où la Saint-Nicolas se perpétue. C'est pourquoi les colons néerlandais qui partent en Amérique introduisent là-bas la fête de Sinterklaas. Les Américains l'adoptent et le rebaptisent Santa Claus. C'est le pasteur américain, Clement Clarke Moore, qui imagine en 1923 le personnage du Père Noël dans un conte pour enfants. Il l'imagine avec un ventre rebondi, un bonnet et un traîneau tiré par des rennes, mais c'est l'illustrateur Thomas Nast qui le pare d'un costume rouge. Popularisé dans le monde entier par la marque de soda Coca Cola, le personnage du Père Noël s'impose dans le folklore au début du XXe siècle. Il suscite au début l'opposition d'une partie des catholiques, qui n'hésitent pas à brûler son effigie en 1951 à Dijon. La célébration de Noël conserve actuellement cette ambivalence entre sacré et profane, avec bien souvent la coexistence d'un sapin, de chaussons et d'une crèche dans l'espace domestique. Demeure alors cette question cruciale au sujet du Père Noël : habite-t-il au Pôle Nord ou en Laponie, comme veut le faire croire l'office de tourisme finlandais ?
Les quatre espaces du Père Noël
Sitographie :
Illustration : Cienpies sur 123RF Banque d'images